La Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé, 1er réseau national d’éducation et de promotion de la santé en France, dont est membre la FRAPS, s’exprime sur la vaccination à venir contre la COVID-19.
Afin que la vaccination contre la Covid-19 puisse se déployer dans de bonnes conditions, il faut construire la confiance, à partir du dialogue, de la transparence, et de l’implication des acteurs concernés et de la population au niveau local. Le réseau de la Fnes veut y contribuer, en concertation avec le Ministère de la santé, les Agences régionales de santé (ARS), les collectivités territoriales et les acteurs de proximité.
Sommaire
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Les 10 recommandations
1. Prendre en compte les réalités propres à notre pays
Le développement de cette vaccination s’inscrit dans un climat de fortes interrogations (vis-à-vis de la vaccination, de la gestion de la pandémie, de l’indépendance des scientifiques). Face à ce défi, le maître mot est de retrouver la confiance. Celle-ci ne peut passer que par un dialogue citoyen reconquis.
2. Encourager la participation plus que la contrainte
La confiance ne peut être retrouvée qu’en activant les différents processus de démocratie en santé existants. Certains sont institutionnalisés, comme les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie, d’autres s’inscrivent dans de multiples dynamiques de participation citoyenne. Ces lieux de dialogue sont propices à l’expression des « habitants-usagers-citoyens » et au rétablissement de la solidarité autour de cette vaccination.
3. Mieux comprendre pour mieux agir
En raison de la défiance du public et de certains professionnels, il faut lever les obstacles et trouver des leviers. Dans ce but, il est nécessaire de mener très rapidement des études qualitatives ciblées auprès de publics prioritaires et d’« influenceurs » (professionnels de santé, élus locaux).
4. S’appuyer sur les professionnels de proximité
Le rôle-clé des professionnels de santé, des professionnels de l’aide à la personne, des relais institutionnels et de proximité des publics prioritaires est à souligner. Ce sont des relais d’information et de persuasion, ce qui demande qu’eux-mêmes soient d’abord convaincus de l’utilité et de la sûreté du vaccin.
5. Communiquer au plus près des lieux de vie
Il est impératif de développer une stratégie de communication de terrain, en complément des campagnes nationales. L’implication réelle et précoce des niveaux locaux, au-delà du rôle de relais d’informations nationales, est indispensable pour prendre en compte les inégalités sociales de santé, que la campagne de vaccination ne doit pas aggraver.
6. Rejoindre en urgence les publics les plus précaires
Ils sont les plus touchés par la Covid-19 en termes de mortalité, de morbidité et de souffrance physique ou psychique. Les associations et acteurs sociaux de proximité doivent être soutenus pour favoriser le geste vaccinal.
7. S’appuyer sur les collectivités locales et territoriales
Elles ont été en 1ère ligne au cours des derniers mois et ont une vraie capacité d’agir. Rien ne pourra se faire sans elles pour la promotion vaccinale.
8. Activer les organisations et les outils disponibles
Il existe plusieurs leviers possibles, dont les Contrats locaux de santé, les regroupements interdisciplinaires des professionnels de santé (type maisons de santé), les accords conventionnels (type Rémunération sur Objectifs de Santé Publique).
9. Promouvoir une approche solidaire au-delà de nos frontières
Il faut rappeler l’importance de la solidarité entre pays à hauts et à bas revenus, en vue du contrôle d’une épidémie mondiale.
10. Se mettre au service de tous dans un contexte de crise
Présentes dans chaque région, entretenant un dialogue régulier avec les ARS et les acteurs locaux, les structures du réseau de la Fnes souhaitent contribuer aux démarches participatives visant à favoriser la confiance des publics et des professionnels, et contribuer ainsi à ce que la stratégie vaccinale se déploie dans des conditions optimales.
Annexe | La vaccination contre la Covid-19 : pour une approche confiante et solidaire
La Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (Fnes), premier réseau national d’éducation et de promotion de la santé, présent dans toutes les régions métropolitaines et ultramarines, a la volonté de venir en appui à la réflexion et à la mise en œuvre de la future stratégie nationale de déploiement de la vaccination contre la Covid-19. Les principes de la promotion de la santé, de la prévention et de l’éducation pour la santé, tels qu’ils ont été mobilisés par la Fnes et son réseau depuis le début de cette crise, ont montré leur intérêt pour être efficace et rejoindre le plus largement possible les publics en difficulté : l’appui sur des fondements probants, l’action sur les déterminants de la santé, la prise en compte des environnements et conditions de vie, l’approche intersectorielle, le développement des compétences et du pouvoir d’agir, l’accroissement de la littératie en santé, la participation [1].
Par ailleurs, notre Fédération partage l’essentiel « des recommandations intermédiaires sur les modalités de mise en œuvre de la vaccination » élaborées dans un document de la Haute autorité de santé (HAS) le 9 novembre 2020 (document provisoire soumis à consultation publique) [2]. Enfin, la perspective de l’organisation d’un Ségur de la santé publique devrait permettre d’inscrire le geste vaccinal dans une démarche plus globale de promotion de la santé.
Prendre en compte les réalités propres à notre pays
Il est important de souligner que la prochaine mise en œuvre de cette vaccination se situe dans un climat d’interrogation du grand public, des acteurs de la santé, du social, de l’éducatif, mais aussi des décideurs sur les territoires :
- D’abord, l’adhésion au geste vaccinal est depuis de nombreuses années l’un des plus faibles en France par rapport à la plupart des autres pays ;
- Ensuite, la crise de la Covid-19 a créé beaucoup d’incertitudes face à un virus « indiscipliné », mais également à des réponses préventives qui ont été beaucoup discutées dans leur mise en œuvre temporelle. Elles n’ont pas toujours été comprises et rencontré l’adhésion espérée ;
- Enfin, la confiance dans les scientifiques a été perturbée par les débats contradictoires qui se sont développés souvent hors des espaces habituels d’échanges au sein du monde de la recherche, et par l’émergence sans précédent de thèses complotistes [3] (cf. le documentaire « Hold-Up »).
Face à ce triple défi, très particulier à notre pays, le maître mot est certainement de retrouver la confiance [4] [5]. Celle-ci ne peut passer que par le respect du principe de transparence et par un dialogue citoyen reconquis avec la population, dans toutes ses composantes. Cette politique vaccinale volontariste ne doit pas aggraver les inégalités sociales de santé, objectif majeur de la Stratégie nationale de santé et malheureusement non atteint depuis le début de cette crise.
Mieux comprendre pour mieux agir
De nombreuses études quantitatives, principalement par sondages nationaux (certains périodiques) ont été lancées depuis le début de la crise. Il en est de même pour les recherches, notamment relevant des sciences humaines et sociales (mais dont les résultats ne seront connus pour la plupart d’entre elles que dans quelques mois). En raison de la triple défiance de la population (par rapport aux vaccins en général, aux mesures de lutte contre l’épidémie perçues comme trop injonctives et coercitives, et à un débat scientifique souvent confus), il semble utile de disposer très rapidement des résultats d’études qualitatives ciblées. Elles pourront être menées auprès des publics prioritaires pour la vaccination et des « influenceurs » (professionnels de santé, élus locaux) afin de bien identifier les freins, mais surtout les leviers spécifiques à activer pour favoriser l’adhésion et l’accès à la vaccination contre la Covid-19 (par exemple, sur le modèle de l’enquête annuelle sur la couverture vaccinale antigrippale auprès des professionnels de santé). Ces leviers sont connus, mais demandent à être appréciés dans le contexte spécifique de l’épidémie à coronavirus.
Les professionnels de proximité en 1ère intention
Le rôle-clé des professionnels de santé, hospitaliers et libéraux est à souligner. Ces derniers sont non seulement des populations prioritaires, mais surtout des relais d’information en mesure d’accompagner le cheminement de la population vers la vaccination, ce qui demandera qu’eux-mêmes soient d’abord convaincus de l’utilité et la sûreté du vaccin.
Il est également indispensable de considérer les professionnels de l’aide à la personne, en EHPAD et à domicile, comme des publics prioritaires pour la vaccination, ce qui nécessitera qu’ils soient convaincus également.
Enfin, il sera pertinent d’impliquer les relais institutionnels et de proximité des publics prioritaires pour favoriser l’adhésion et l’accès à la vaccination (cf. les actions susceptibles d’améliorer la couverture vaccinale, identifiées dans l’étude sur la Couverture vaccinale antigrippale auprès des professionnels de santé : l’implication concrète de l’organisation et des « leaders locaux » – direction, chef de service, cadre de santé – est déterminante). L’expérience d’actions de prévention dans de nombreux autres domaines conduit à des conclusions similaires, que l’on retrouve aussi dans des études d’opinion plus générales sur la confiance : si elle est relativement faible envers les institutions nationales et leurs représentants, elle est beaucoup plus élevée envers les institutions et personnes que l’on perçoit comme proches. Or cette question est centrale dans la situation de crise sanitaire actuelle.
Rejoindre les publics les plus précaires
Les constats précédents valent pour les professionnels comme pour les publics. Pour rejoindre les publics en difficulté sociale, dont l’épidémiologie montre qu’ils sont fortement touchés, il sera pertinent d’impliquer les associations et acteurs sociaux de proximité, sans les cantonner au rôle de relais d’une information nationale descendante, dont les modalités ne pourront pas convenir à tous les publics.
De manière générale, les approches ascendantes (« bottom-up ») et l’implication des collectivités locales et territoriales, notamment des communes, perçues comme proches, seront des leviers essentiels. De même, il apparaît nécessaire de réfléchir à une stratégie de communication de terrain, éthique et efficace, en complément des campagnes de communication nationales sur le sujet. L’implication réelle et précoce des niveaux locaux, bien au-delà du rôle de relais d’informations nationales, est indispensable pour optimiser le déploiement de la vaccination contre la Covid-19 et pour prendre en compte les inégalités sociales de santé, que la campagne de vaccination ne doit pas aggraver.
Il est à noter que ces inégalités concernent aussi bien les publics que les professionnels : le taux de vaccination contre la grippe chez les professionnels de santé, par exemple, est assez fortement stratifié selon les métiers, qui correspondent à des groupes différenciés en termes de ressources (économiques, de formation…) : les médecins sont le plus souvent vaccinés alors que par exemple les infirmier.ère.s ou les aides-soignant.e.s le sont beaucoup moins.
Des organisations et des outils disponibles
Dans les démarches de proximité, essentielles au déploiement d’une politique de confiance au plus près de la population, il nous apparaît crucial de s’appuyer sur plusieurs leviers existants :
- Les Contrats locaux de santé sont plus de 400 et permettent de déployer des politiques de santé actives en proximité. Ils sont portés par des accords conventionnels principalement entre les agences régionales de santé et les collectivités locales, mais associent de nombreux autres acteurs. Dans leurs activités, ils ont une forte orientation vers la promotion de la santé et la prévention. Ils constituent des espaces d’action pour développer une politique d’assurance ou de réassurance par rapport à la vaccination.
- Les dispositifs de regroupement interdisciplinaire des professionnels de santé (type maisons de santé, centres de santé ou communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS) sont des organisations permettant de porter une parole de confiance sur la vaccination et de promouvoir activement le geste vaccinal sur les territoires.
- Les accords conventionnels de type Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) sont également des composantes clefs pour favoriser cette approche préventive, la vaccination étant l’un des piliers des ROSP.
La participation plus que la contrainte
La question de l’obligation vaccinale fait l’objet de nombreux débats. Elle peut se poser pour les professionnels en contact avec les publics les plus vulnérables. Cependant, l’obligation seule est, dans les faits, de portée limitée et pourrait être mal perçue par ces professionnels dans le contexte particulier de l’historique de cette crise sanitaire. Elle ne serait dans tous les cas qu’un élément parmi d’autres dans une stratégie qui vise à favoriser l’adhésion et l’accès à la vaccination.
La confiance ne peut être retrouvée qu’en activant les différents processus de démocratie en santé existants. Comme le rappelait un journaliste du Monde en novembre 2009, au moment de la crise liée à la grippe H1N1 : « Plus que leurs arguments, c’est le manque de débat public organisé, d’implication démocratique de la population dans la préparation de la pandémie qui se révèlent si contre-productifs lorsqu’il faut mobiliser autour de la vaccination » [6]. Ces processus démocratiques peuvent être aujourd’hui :
- Institutionnalisés dans le champ de la santé, comme à travers la Conférence nationale de santé, les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie et les Conseils territoriaux de santé ;
- Inscrits dans les multiples dynamiques de participation citoyenne portées par des collectivités territoriales, souvent en lien avec des associations : ateliers santé ville, conseils citoyens, coopératives d’acteurs, masterclass citoyennes, « croisement des savoirs et des pratiques » (ATD Quart Monde)…
Tous ces lieux de dialogue sont propices à l’expression des habitants-usagers-citoyens et au rétablissement de la solidarité et de la confiance autour de la vaccination contre la Covid-19.
Enfin, notre Fédération rappelle l’importance de la solidarité entre pays à hauts et à bas revenus, notamment pour l’accès à la vaccination, en vue du contrôle d’une épidémie mondiale.
Présentes dans chaque région, entretenant un dialogue régulier avec les ARS et les acteurs locaux, les structures du réseau de la Fnes peuvent contribuer aux démarches participatives visant à favoriser la confiance des publics et des professionnels, et contribuer ainsi à ce que la stratégie vaccinale se déploie dans des conditions optimales.
[1] Ireps Bourgogne Franche-Comté : Faire le tour de la vaccination en promotion de la santé… en 180 minutes (ou presque) ; https://ireps-bfc.org/sites/ireps-bfc.org/files/files-upload/2018-dossier_doc_sesa_vaccination.pdf
[3] Antoine Bristielle : On ne peut pas balayer les antivaccins et les sceptiques en les réduisant au complotisme ; Le Monde ; 18/11/2020 ; https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/11/17/antivaccins-on-ne-peut-pas-balayer-les-sceptiques-en-les-reduisant-au-complotisme_6059990_823448.html
[4] Paul Blanc : Rapport sur la politique vaccinale de la France, chapitre « Redonner la confiance à la population, Sénat, 28/09/2007 ; https://www.senat.fr/rap/r06-476/r06-4761.pdf
[5] Institut national de santé publique du Québec – Centre d’expertise et de référence en santé publique : Agir pour maintenir la confiance ; 05/2014 ; https://www.inspq.qc.ca/publications/1870